lundi 8 avril 2013

The Quartet

Surprenant premier film de Dustin Hoffman en tant que réalisateur.
Premier plan:Une femme âgée, superbe, les yeux fixes. D'entrée la caméra célèbre la vieillesse. Puis la caméra se pose sur une partition. Et les doigts sur un piano. Et tout commence. Une chanteuse lyrique, un clarinettiste, des violons, des choeurs lyriques. Bienvenue à Beecham House, maison de retraite pour musiciens.
Mais ça n'est pas sans vie. C'est tout l'inverse. Il y a de l'effervescence, du mouvement, et du rire.
Mention spéciale à Billy Connely, délicieusement séducteur, maniant et usant du verbe pour retrouver un peu de jeunesse. Il est formidable de justesse, de drôlerie, et nous séduit quelque soit notre âge.
La maison résonne des ego encore tellement présents, des jalousies passées, mais des personnages qui vibrent encore de musique, de leur voix, leurs instruments. Ils préparent le gala annuel et se joue, au delà de l'évènement, bien plus.
D'anciennes douleurs vont ressurgir, avec l'arrivée de la grande Jean Horton, incarnée avec talent par Maggie Smith, le regard ampli de tristesse derrière la fenêtre de la maison qui a vu sa gloire passée. Superbe, prétentieuse, magnifique; Telle une diva elle arrive sous les applaudissements des pensionnaires, comme une chanteuse après un magistral solo.
Elle va renouer avec son ancien amour,Reg, Tom Courtenay, poignant, bouleversant d'émotion. Et avec elle va renaître le quatuor du Rigoletto de Verdi et renaître la vie, fragile, émouvante, drôle. La musique va panser des plaies qui ne s'étaient pas refermées. La dernière de ce quatuor délicieux est Cissy, la formidable Pauline Collins, atteinte dans le film d'Alzheimer, dont l'oeil pétille, telle une enfant, elle oublie ses réunions secrètes. Elle est vibrante de tendresse, de fraîcheur.
Ce film est un hymne à la musique, oui mais surtout à la vie, comme en témoigne les larmes aux yeux le docteur Lucy Cogan, incarné par la pétillante et tendre Sheridan Smith, émue, émerveillée par ses pensionnaires, charmée et portée par la vie que les pensionnaires apportent à cette maison de retraite pas comme les autres. Il n'y a que de la vie, passée, nostalgique, mais aussi présente, de l' amour toujours vif que leur procure la musique, qui exalte les passions, bien que beaucoup comme le dit Mrs Horton "ont la vie plutôt derrière eux".

Si vous êtes sensibles comme moi, vous allez verser des larmes, rire, vibrer et aimer passionnément ce film délicieux et plein d'âme, et vous ressortire le sourire aux lèvres, et le coeur ampli de douceur nostalgique et d'une envie de vivre les passions à deux cent pour cent!

Lincoln



Une trompette résonne, patriotique, comme annonçant des évènements qui changeront la face des futurs Etats-Unis. Nous sommes sur un champ de bataille. Assis sous un porche, une silhouette, imposante, face à des soldats visiblement impressionnés, récitant maladroitement leur texte, un discours politique. Deux soldats blancs, deux soldats noirs. Pour nous rien de notable. Mais pendant la guerre de sécession, ça l'est. L'homme sous le porche, c'est Lincoln. Ou Daniel Day-Lewis...heu non Lincoln, Daniel?... On ne sait plus qui est qui tant l'interprétation de Day-Lewis est renversante. Son physique, sa voix, on cherche l'acteur connu, et on ne voit que Lincoln tel on le voit dans les portraits que l'on connait de lui. Un homme immense par sa stature, immense par son dévouement à vouloir l'égalité pour tous. Day-Lewis nous soulève, écrit l'histoire des Etats-Unis devant nos yeux, et emmène magistralement le film. Il atteint un degré d'incarnation tel qu'on ne peut que dire qu'il est exceptionnel, fou peut-être, sûrement, mais un génie, un acteur qui restera dans les grands de l'histoire du cinéma. Oui je suis peu objective quand il s'agit de Day-Lewis, mais qui le serait avec une telle interprétation?!!
La première partie est assez compliquée à comprendre, installe lentement les enjeux politiques complexes. D'ailleurs on ne comprend pas tout, pourquoi des luttes intestines, qui est avec qui, tout cela est parfois flou...mais en vérité, flou comme l'était le sujet à l'époque, complexe, un amendement même totalement fou à faire passer pour une époque où les noirs étaient considérés comme des biens. Et on se révolte avec Lincoln de cela. Et un autre se révolte, c'est le personnage incarné par un Tommy Lee Jones formidable, méconnaissable en vieux politique caché sous sa perruque. Il incarne un personnage d'un caractère intransigeant, forte tête, implacable, dévoué à la cause "noire", et apparait dans le film dans quelques scènes des plus mémorables, maniant le verbe avec brio, dédaigneux et cassant face à ses opposants qu'il méprise, et que nous spectateurs méprisons tout autant. Il est formidable.
On s'enflamme petit à petit avec eux, on comprend la difficulté à amener ces lois impossibles pour l'époque, impossible de faire bouger des années d'esclavage, des inégalités considérées comme naturelles et légitimes.
Mais Lincoln mène une guerre en même temps que fait rage la guerre de Sécession, et cette guerre est dans l'assemblée. Tout est bon pour ramener des voix à la cause. Et ça nous prend aux tripes sans qu'on ai senti quoi que ce soit arriver. Parce qu'on assiste aux luttes internes, aux télégrammes, aux réunions, aux débats qui font rage, et à l'impuissance dont Lincoln fait preuve face à sa femme, la magnifique Sally Field, digne, perdue, rongée de colère après la perte d'un de leur fils. Pour elle la bataille est dans la famille, face à un Lincoln qui donne toute son âme dans sa politique, toute son énergie.
On frémit lorsque les votes se rapprochent, et pendant les plaidoyers, nous sommes projetés dans une histoire qui va changer la face du monde, et ça nous prend aux tripes, avec la peur que gagnent le pouvoir blanc, les inégalités, l'injustice, et l'odieux racisme, comme si nous ne savions pas l'histoire déjà écrite depuis longtemps...On s'y jette comme les plaideurs, on a envie nous aussi de hurler OUI comme le hurlera un des hommes qui change sa voix contre son camp dans un moment absolument jubilatoire.
Ce Lincoln est grand, par sa stature, mais par sa conduite, prêt à tout pour gagner ce qu'il considère comme un droit dans une époque ou c'est loin d'être le cas. On pleure quand entrent dans l'assemblée, pour la première fois des noirs, on a envie d'applaudir avec les républicains ce moment mémorable de l'histoire de l'Amérique.
C'est un film qui célèbre l'Amérique, celle qui s'oppose aux lois qui pose l'injustice, celle qui honore l'humanité dans ce qu'elle a de plus grand, le bien, la justice, les combats pour des idées, celle qui change l'histoire, la leur, la nôtre. Servi par un casting parfait, et bien plus, Day-Lewis en tête, jusqu'aux second rôles, tous contribuent à rendre hommage à cette partie de l'histoire, probablement une des plus belles de l'histoire du pays. Du grand Steven Spielberg, sublimé par la musique de son complice John Williams qui sait si bien faire vibrer les plus grandes scènes. A voir et revoir avec émotion!

dimanche 3 février 2013

Django Unchained, du grand Tarantino

Du Tarantino inspiré, très inspiré...
ça commence comme un westernn sur du Enio Morricone...vu sur un paysage désertique...Puis des dos surgissent, noirs, marqués des coups de fouets répétitifs...on est pas à l'époque de la conquête de l'Ouest, mais à l'époque de l'esclavage, avant la guerre de Sécession. Mais quelque part, c'est ça aussi l'Amérique malheureusement. C'est comme ça qu'apparaît Django, le regard décidé, enchaîné aux autres, mais sur lequel souffle déjà un vent de rébellion, le dos puissant, qu'aucun coup de fouet ne fera ployer. Un Jamie Foxx magistral, libre, héroïque, vengeur, un Hamlet au pays de l'Oncle Sam...
Car ce Tarentino a des accents shakespeariens...La liberté, la vengeance, l'amour qui résiste à tout, et surtout cette histoire qui pourrait se passer ici ou ailleurs, maintenant, avant. Di Caprio, toujours aussi bon, détestable à souhait, maître profiteur, aucun respect pour la vie, surtout si elle est noire, hautain, sors un crâne de sa boîte. Shakespeare, vous avez dit Shakespeare?Et la bande-originale, formidable qui souligne ça...du Hip-Hop, de la Soul ( nous sommes les héritiers de l'esclavage, et notre époque n'est que le reflet de ce passé sombre?) du Beethoven joué à la harpe, du Rock...La liberté, ça n'a pas d'époque...
Et son acteur shakespearien...Christopher Waltz, indescriptible...habité par la poésie, par le goût du verbe, comme déposé à la mauvaise époque, un bouffon, un tragique, étranger aux idées corrompues de l'époque, c'est un initiateur, le fantôme de Hamlet qui guide la main vengeresse de Django...un acteur comme on en fait peu, un grand, sans aucun doute!

Ce Django venge les millions d'esclaves voués au silence et à l'humiliation, venge des siècles de chaînes...Tarentino ose. Son Django monte à cheval, joue de la gâchette avec grand talent, toise les blancs de haut, ose tenir tête et affirme son égalité, même sa supériorité sur les maîtres de plantations et leurs sous-fifres...Et ça énerve, forcément...Il énerve beaucoup de monde...alors forcément, ça explose...Mais Tarentino est fin. Il installe la violence tranquillement. On rit d'abord, ça commence comme une farce, puis les regards se font outrés de voir ce "nègre" qui monte à cheval, normalement on en fait de la charpie quand ils ne servent plus, comme en témoigne une des premières scènes "dures" du film, où on assiste, aussi impuissants que Django, à la mise à mort d'un esclave, déchiqueté par des chiens...Et là, on se souvient que ça n'est pas qu'un film...cette histoire, c'est la nôtre aussi...et ça monte, la pression, l'étau qui se ressert sur Django,on a mal au ventre,  on sent bien que le face à face avec la réalité va être explosif...et ça l'est...Django vengeur, Siegfried rageur qui secoure sa Brunehild, il les explose tous, au sens premier du terme, le sang gicle, il tire 10 balles à la seconde, il repeint la belle maison de maîtres, souillée par des années d'esclavage et la pulvérise...
Django libre sur son cheval dont il a enlevé la selle, le mors, puissant de sa haine, de sa justice...et il fait justice Django, on exulte, c'est jouissif, il fait ce que beaucoup ont rêvé, il libère le peuple noir, il prend le dessus, il dit "allez vous faire foutre"au Ku Klux Klan (ridiculisé dans une scène drôle à souhait). On l'aime ce Django, il nous soulage, il exorcise les désirs de chacun de changer l'histoire et les injustices de ce monde.

"Mais d'où vient ce nègre" dit un esclave, dont le sourire nous laisse penser que l'insolence de Django donnera des ailes à d'autres...De chez Tarentino bien sûr, Tarentino qui jubile de retourner l'histoire, qui jubile comme toujours d'ensanglanter son film, même de se faire exploser lui-même dans une scène, qui jubile de nous rendre libre...c'est ça le cinéma...et c'est même bien plus...Tarentino, Shakespeare des temps modernes!


lundi 26 novembre 2012

J'enrage de son absence

Un film de Sandrine Bonnaire
Avec: William Hurt
          Alexandra Lamy
          Augustin Legrand

Date de sortie: 31 Octobre 2012

Me voilà réconciliée avec Sandrine Bonnaire, en tant que réalisatrice du moins, et c'est déjà beaucoup!
Un film puissant, coup de poing, traitant d'un sujet difficile, mais avec finesse et originalité. De très bons acteurs, avec William Hurt en tête, magistral, profond, émouvant, pathétique. Alexandra Lamy tout en émotion, le visage grave, portant ce lourd fardeau avec dignité, un rôle tout en finesse. On pourrait regretter que le rôle d'Augustin Legrand ne soit pas plus étoffé, qu'il ne soit pas plus présent...mais pas moi. Finalement ce rôle est aussi une transposition de son écartement du secret que partagent sa femme et son fils. On le laisse de côté, lui c'est le gentil qui porte le vélo du fils, qui serre sa femme dans ses bras...Et cela rend la dernière scène si forte...Le petit Jalil Mehenni, ses grands yeux ouverts sur le monde des adultes, sur le secret, sur la tristesse, presque le plus adulte de tous, très mâture dans le jeu, juste, poignant...

La tension va crescendo...on ne sait pas où nous emmène Sandrine Bonnaire, mais on y est projeté, presque malgré nous, malmenés par la gravité des visages, par la musique parfois assourdissante, angoissante. Nous assistons, impuissants à une chute, à des chutes. Et c'est violent. Terrible. Comment la perte peut entraîner vers le néant...
Un film à voir, peut-être pas à revoir, mais seulement parce que c'est difficile, parce qu'en tant que spectateur on se le prend en pleine poire, et finalement même si on aime parfois être malmenés, quand cela nous touche trop, une fois suffit. mais quelle fois!!